« La réalité, c'est l'illusion créée par l'absence de drogues. »
Comment un drogué ne souhaitant pas se défaire de son addiction avait-il pu tenir plus de deux semaines dans un centre de désintoxication sans développer le moindre signe de manque? La réponse était pourtant des plus simples, et les responsables de l'institut Crawley auraient dû comprendre dès le départ que Nate était régulièrement fourni en came. Seulement voilà, le jeune homme était loin de débuter dans l'art de la manipulation, et il était parvenu à s'en sortir assez aisément, jusqu'à maintenant en tout cas. Plus besoin de faire semblant d'être en manque quand on l'est réellement n'est-ce pas? Plus d'une semaine que Gemmell n'avait pas pu prendre la moindre ligne de coke, une semaine sans le moindre poison parcourant ses veines, c'était plus que suffisant pour que le jeune homme perde son assurance. Son plan était mis à mal trois mois après son arrivée à Manchester, et la personne à blâmer n'était autre que son frère, incapable de lui faire parvenir sa dose journalière. Faisant les cent pas dans la cour, Nate ne se souciait déjà plus du regard des autres pensionnaires, accroché à son portable, espérant un signe encourageant de la part d'Arthur.
Bordel 'Thur, tu m'avais dit qu'il serait là aujourd'hui ! ... J'en ai rien à foutre qu'il ait un empêchement, ça fait une semaine que j'ai rien, t'as pas un contact sur Manchester qui pourrait me dépanner? ... Mais merde ! Prend le prochain train et viens me fournir toi-même ! ... Les flics ?! J'm'en fous que les flics te surveillent, je suis ton frère putain ! ... Demain ? Non, je peux pas attendre demain, ça fait déjà une semaine Arthur, une semaine ! ... Arthur ? ARTHUR ?!
Ironie du sort quand tu nous tiens. Les responsables de l'institut trouvaient étrange de ne voir aucun signe de manque se manifester chez moi durant les premières semaines passées ici, à présent ils en ont à revendre. Mains qui tremblent, nervosité, agressivité, si je ne parviens pas à trouver une dose dans les prochaines heures, je ne suis pas sûr de pouvoir rester maître de moi-même. Je pensais que mon plan était infaillible, mais donner une place centrale à mon frère était en fin de compte une erreur que je paye le prix fort. Deux jours que je n'ai rien pu avaler, j'ai des sueurs froides et des insomnies, et cerise sur le gâteau, je risque fort de finir plus fou que la plupart des pensionnaires qui sont ici. Il faut que je pense à autre chose, que je trouve une occupation qui me changera les idées et me permettra de reprendre le contrôle ne serait-ce que quelques secondes, c'est mon unique moyen de survivre ici avant de réellement attirer l'attention sur moi, ainsi que de probables ennuis. Une idée, il me faut une idée de toute urgence... Direction le lac, il y a beaucoup trop de monde ici, et je ne suis pas en état de surveiller ce qui se passe autour de moi.
L'enfer de la drogue devenait à présent une réalité pour le jeune homme. Depuis longtemps il redoutait cet instant, celui où il devrait faire face à un sevrage forcé, il savait quels étaient les effets, il les avait affrontés plusieurs mois auparavant mais s'en était sorti sans trop de mal car cela n'avait pas duré, ce qui n'était pas le cas à présent. Les solutions qui s'offraient à lui étaient peu nombreuses, et comportaient toutes des risques divers que Nate acceptait d'avance. Les propos d'un dealer qu'il avait côtoyé quelques temps lui vinrent à l'esprit, et le manque fut tel que sa décision fut prise en une dizaine de secondes. S'agenouillant au bord du lac, il posa sa main gauche sur la pierre la plus proche, puis attrapa son index à l'aide de sa main droite avant de prendre une profonde inspiration. Jamais le jeune homme n'avait eu la moindre fracture, mais il savait que la douleur le submergerait lorsqu'il briserait son doigt, et ce fut effectivement le cas. Plus la moindre sensation de manque, juste une douleur intense qui fit couler une larme le long de sa joue alors qu'il tentait de reprendre sa respiration. Le sacrifice était nécessaire, son index était certainement fracturé et il lui faudrait se rendre à l'infirmerie, mais la souffrance lui permit de reprendre entièrement ses esprits et d'apercevoir une silhouette féminine non loin de lui. Faisant tous les efforts possibles pour ne pas penser à la douleur, Nate s'approcha lentement d'Elenor qu'il reconnut aisément, avant de s'asseoir à quelques mètres d'elle, prenant soin de cacher son doigt meurtri pour n'éveiller aucun soupçon.
Elenor Salinger. Trois mois que je suis ici et pas moyen de connaitre les raisons qui t'ont amenée dans cet institut. J'en déduis donc que soit tu n'as pas ta place dans cet endroit, soit les apparences sont trompeuses et tu es bien plus dangereuse que la plupart des pensionnaires.
Regard posé vers l'horizon, sourire amusé, ma curiosité me permet de me concentrer sur cette jolie brune et d'oublier pour le moment mon index gauche. La douleur n'est pas insurmontable, elle n'est que physique, je peux faire avec, je dois faire avec. Le sevrage m'empoisonnait le corps et l'esprit, mon esprit est libre à présent, je me sais capable de surmonter cette épreuve. Attrapant de ma main droite le paquet de clopes rangé dans la poche de ma veste, j'en sors une que je place entre mes lèvres avant de l'allumer. Laisse la fumée se répandre dans tes poumons, laisse la nicotine te submerger. Mon coeur se calme, mon esprit est apaisé, ça ne vaut pas un rail de coke, mais ce n'est pas comme si j'avais le choix. Posant mon regard l'espace d'un instant sur la demoiselle, je lui tends ma cigarette en attendant patiemment une réponse.
❝ Elenor Salinger ❞
MADADMIN ✿ bye bye black bird
→ messages : 413
Sujet: Re: Purple Haze || Elenor Sam 4 Déc - 3:33
nathanael g. et elenor s. come, break me down. bury me, bury me. ♪
Je pris une grande inspiration et m’emparai du premier caillou qui ressemblait le plus à un galet avant de l’envoyer faire des ricochés sur le lac. J’avais toujours haï cette pratique. Le simple fait d’envoyer valser une pierre sur l’eau, espérant qu’elle rebondirait un maximum à la surface de celle-ci, c’était tout bonnement idiot. Assez pour me faire oublier, l’espace d’un instant, qui j’étais, où j’étais et surtout pourquoi j’y étais. Bientôt un an que j’occupais une des nombreuses chambres de l’institut Crawley. Je n’avais jamais voulu en arrivé là, on m’avait forcé à venir ici, je ne serais en aucun cas pénétrée de mon plein gré dans un lieu aussi sordide qui puait la folie, la mort. Je n’étais pas folle, je n’avais en aucun cas ma place ici. Mais cela, les Manuciens ne semblaient pas vouloir le comprendre. Ce n’était pourtant pas si compliqué que ça, je présume. Accepter de me voir dans une glace l’était bien plus, accepté de voir mon visage se refléter dans l’eau du lac que je brouillai avec mes satanés cailloux l’était également. Je n’avais pas non plus voulu être la cause de la mort de Gabriel. Lui aussi, il m’avait forcé à en venir à ce point. Il m’avait blessé, trahi, en allant voir cette fille tandis que nous allions fêter notre première année ensemble. C’était un trente-et-un décembre. Il aurait été à deux doigts de connaître la nouvelle année. Il ne la connaîtra jamais. Non, jamais.
Je n’aimais pas le lac. A vrai dire, j’étais phobique de l’eau. Je ne pouvais m’approcher d’un espace bleu plus grand d’un étang au risque de paniquer comme jamais et d’être à la limite de m’énerver comme pas possible. Non, je n’aimais pas l’eau. Mauvaise mésaventure. Trouble de l’enfance. Toutes les conneries que vous voudriez. Si je me suis retrouvée là, à envoyer des galets pour les faire rebondir, c’est que, pour la première fois depuis des mois, j’avais rêvé de Gabriel. Je l’avais vu à mes côtés, entrain de me sourire, de me rassurer, de me dire qu’il passerait sa vie avec moi et que nous allions vivre jusqu’à nos vieux jours tout les deux. Je le voyais entrain d’essayer de me calmer lorsque je m’énerverais, entrain de m’embrasser et de me dire qu’il m’aimait. Moi, je lui pardonnais ses infidélités – c’est d’ailleurs à ce détail que je fus certaine que j’étais bel et bien dans un rêve, et non pas dans la réalité -, entrain de lui cuisiner un bon petit plat pour quand il reviendrait manger après son travail. Je nous voyais, ensemble, la première fois que nous l’avions fait. Pour lui, ce n’était pas une expérience inédite. Pour moi, si. Il était le seul à qui je me suis donnée, je n’ai couché avec personne d’autre que lui, ce qui signifiait également que j’avais derrière moi un an d’abstinence, plus par respect pour sa personne que par réelle envie de ne pas fricoter avec d’autres hommes. Ce rêve, j’en connaissais parfaitement l’élément déclencheur. Je savais ce qui avait fait revenir Gabriel dans ma mémoire, je savais qui était à l’origine de mon mal-être actuel. Cette personne n’était autre que son frère jumeau, Stan. Il avait débarqué en ville, m’avait demandé son chemin, à moi, simple gamine. A l’issu de mon explication, de notre conversation, il avait voulu me revoir. Je jouais là à un jeu dangereux. Même si j’avais voulu lui dévoiler qui j’étais réellement par rapport à lui, j’en avais l’interdiction : mes parents voulaient sauver leur image en faisant croire aux gens d’Edimbourg que j’avais été internée suite à une dépression. Ils me croyaient tous cyclothymique, ce qui n’était pas tout à fait faux, au final.
Voilà comment j’étais arrivée à m’approcher de l’une des choses qui, autre que mes souvenirs, me faisait le plus peur. Je n’allais sûrement pas rester très longtemps ici, cet endroit me mettait mal à l’aise, plus par le bruit des vaguelettes qui venaient briser le silence de la nature que par la solitude qui régnait au sein de ce temple. Silence bientôt déranger par le son de la voix d’un homme qui ne m’était pas tout à fait inconnu, pour être honnête. « Elenor Salinger. Trois mois que je suis ici et pas moyen de connaitre les raisons qui t'ont amenée dans cet institut. J'en déduis donc que soit tu n'as pas ta place dans cet endroit, soit les apparences sont trompeuses et tu es bien plus dangereuse que la plupart des pensionnaires. » Je soupirai. Pourquoi, Ô grand pourquoi, fallait-il toujours que les personnes se posent des questions par rapport à ma venue à Manchester. Je refusais d’en parler pour la simple et bonne raison que je n’aimais pas mentir. De plus, je ne me voyais que mal expliquer à cet homme que je ne connaissais qu’à peine que j’avais forcé ma belle-famille et mon ex-petit-ami à se tuer le soir du nouvel an. Toute cette histoire ne le regardait aucunement, et il avait intérêt à vite comprendre ce que je voulais dire par là. Alors, après avoir pris le temps de réfléchir à une réponse plausible, je finis par prendre la parole à mon tour. « Nathanaël Gemmell. Trois mois que tu es ici pour cause d’attachement abusif à toute substance illicite et overdose. Tu ne sembles pas être le plus dangereux d’entre nous dit comme cela, mais je sais que je dois me méfier de toi. Pourquoi ? Va savoir. » Je marquai un temps de pause qui ne fut, cependant, pas assez long pour qu’il puisse répondre à ma constatation. Puis, de nouveau après avoir mûrement réfléchit à mes propos, je repris le droit de parole. « En ce qui me concerne, choisis ce qui t’aideras le mieux à dormir. » Sur ces mots, je repris possession d’un caillou et je l’envoyai voguer sur le lac.
Purple Haze || Elenor
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum